- Papa, pourquoi est-ce qu'on s'arrête là ?
Mes deux filles veulent savoir pourquoi je me suis arrêté à l'accueil du supermarché Jumbo Score (Cora Duparc), alors que nous venons de terminer nos courses et n'avions plus qu'à pousser le chariot jusqu'au parking où nous attend notre voiture.
- C'est parce que je dois faire une réclamation.
La réponse semble suffire à mes filles, peut-être parce qu'elles me savent parfois fantasque, capable de faire des choses qui dépassent leur compréhension.
Attente de trois minutes, puis c'est mon tour.
- Bonjour, je viens protester.
Curieuse façon de débuter. La personne de l'accueil me demande des explications, que je lui fournis immédiatement.
- Je viens d'acheter ce pack de six bouteilles d'eau. Le prix du pack affiché est de 5, 95 euros. Le prix à l'unité est de 1, 20 euros. Sur le pack il est indiqué "une bouteille gratuite. Et on m'a fait payer 6, 56 euros !
Mon interlocutrice a saisi le problème.
- C'est que votre pack provient des promotions de la semaine dernière !
- Des promotions à 6, 56 alors qu'aujourd'hui sans promotion le pack est à 5, 95 ?
- Passez à la caisse centrale, faites-vous rembourser votre pack et achetez un nouveau pack à 5, 95.
L'eau de la discorde
Curieusement je refuse cette solution. Et commence à élever le ton... en faisant plus mine de m'énerver qu'en m'énervant réellement. Depuis deux semaines je prends des cours de théâtre à La P'tite Scène, alors je profite de l'occasion pour m'exercer un peu.
- Comment ? j'ai droit à une bouteille gratuite et vous voulez quand même me faire payer 5, 95 ?
Désemparée, mon interlocutrice appelle du renfort. Arrive un homme qui se tenait en retrait à côté des vigiles du magasin.
- C'est quoi votre problème ?
Le balourd n'a pas voulu me dire bonjour. Et bien sûr c'est moi qui ai un problème. Je débite à nouveau mon explication. Lorsque j'ai fini, mon interlocuteur se contente de dire : "Venez."
Je le suis. On se rend bien sûr à la caisse centrale. Là il s'adresse à la caissière, lui demande d'effectuer un remboursement. La bouteille valant à l'unité 1, 20 euros le lot ne coûte que 6 euros et il faut me rembourser la différence.
Estomaqué je réagis seulement en disant que le prix du pack ordinaire est à 5, 95.
- Bon, faites-lui le remboursement sur 5, 95.
Et le chef tourne les talons. Peut-être heureux de lui. Car c'est une bonne journée qui se poursuit pour lui, avec un emmerdeur de plus traité comme de la merde !
Mon remboursement
La caissière me rembourse les soixante et un centimes qu'on lui a demandé de déduire de ma facture.
Quant à moi je plane toujours. Cela fait des années que je connais l'indélicatesse des supermarchés de l'île de La Réunion. Ils excellent dans deux domaines seulement : l'arnaque au lot qui contient un produit gratuit qui ne l'est jamais ; le produit remboursé sur présentation du ticket de caisse, offre réservée à la métropole. Mais là, je viens d'expérimenter autre chose, la bataille du pot de terre contre le pot de fer.
Une de mes filles me questionne à nouveau :
- Tu as gagné 61 centimes. Est-ce que cela valait le coup ?
Nouveau désarroi. Comment répondre ? J'ose la réponse qui me vient d'abord à l'idée. Mais ce n'est guère qu'une justification ad hoc :
- Oui cela valait le coup. Il ne faut pas toujours se laisser faire. Et pense à tous les consommateurs qui avant moi se sont fait voler. Combien ont cru qu'ils avaient acheté un lot avec une bouteille gratuite et se sont fait avoir ?
En repassant devant les vigiles je m'adresse une dernière fois au chef.
- Je vais créer un blog intitulé "j'ai mes courses au supermarché Cora de Sainte-Marie" où je raconterai mon histoire.
La réponse fuse.
- Je ne lis pas les blogs.
Ce blog est issu d'un coup de tête. Mais les idées qui vont prochainement y être défendues sont mûries depuis des années. Il va s'agir d'expérimenter le pouvoir du citoyen à s'opposer à une machine qui le broie.
Si je fais le bilan. Pour le moment, j'ai été remboursé de 61 centimes sur mon pack de bouteilles. J'ai perdu un quart d'heure. Une personne s'est adressé à moi de manière impolie. Elle m'a traité avec morgue, même si je ne suis pas sûr qu'elle connaisse le sens du mot. Sa certitude doit être la suivante, si j'ose entrer dans sa tête et scruter sa mentalité : jamais rien de pénible ne m'arrivera, ni à moi, ni à mon entreprise. Mon chef pourrait même me remercier ! Et nous pourrons toujours continuer à faire nos "petites affaires". Qui portera jamais plainte pour 61 centimes ? Cet emmerdeur qui réclamait et que j'ai mouché, il n'est pas prêt d'y revenir... la prochaine fois, il se demandera "est-ce que cela vaut vraiment le coup ?".
Je demande des excuses auprès du magasin Cora et plus encore !.Pour le moment, on m'a remboursé un trop perçu de 61 centimes. Mais si j'ai acheté un lot contenant une bouteille gratuite, que les six valent 5, 95 euros, alors Jumbo Score me doit encore 0, 99 euros. Et ce vol commis délibérément - "vol"ou appropriation de mon argent par un tiers sans mon consentement lors d'un passage en caisse - doit être sanctionné d'une manière ou d'une autre.
Ce n'est absolument pas normal qu'un magasin décide de ne pas appliquer la règlementation en vigueur, feigne de ne pas la connaître, méprise ouvertement les consommateurs voulant son application.
Ma facture authentifiant le vol commis par Cora Sainte-Marie
Que faire ?
Un peu d'imagination souffle quelques réponses : se renseigner, communiquer et poursuivre l'action dans une direction revendicatrice en fonction des conseils recueillis et des idées qui ne manqueront pas de venir. D'une certaine façon, le projet de ce blog de défense du consommateur est celui d'un lanceur d'alerte, même si l'alerte en question ne concerne apparemment qu'une égratignure au contrat social et à l'état de droit. Parce que cette petite blessure est en réalité très symbolique de la façon dont des puissants imposent leurs pouvoirs contre les simples citoyens.
Ainsi, par exemple, je m'adresserai prochainement à la DGCCRF, puisque, à suivre les précisions de son site :
"La DGCCRF vérifie en particulier :
- la bonne application des règles relatives à l'information sur les prix des produits et des services
- la remise au client de notes détaillées s'agissant des services
- la licéité des contrats ou des pratiques commerciales réglementées
- démarchage, vente à distance, crédit, voyages à
- forfait, multipropriété…
- la véracité des publicités et la loyauté des ventes promotionnelles."
http://www.economie.gouv.fr/dgccrf/consommation/Pratiques-commerciales
Et je ne manquerai pas de vous tenir au courant de ces entretiens, courriers adressés aux responsables politiques, associations représentatives, amis et personnalités de l'île. L'aventure commence !
Voici, au passage, pour rafraîchir la mémoire du butor du Jumbo Score qui ne sait ou ne veut pas dire "bonjour" et de quelques uns de ses collègues responsables des rayons ou des relations avec la clientèle, le texte du site de la DGCCRF que je vais demander d'appliquer dans tous les points de vente de l'île :
" Sauf dans certains cas spécifiques, la réduction doit être calculée par rapport au prix le plus bas pratiqué pour un article ou une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail ou site de vente à distance, au cours des trente derniers jours précédant le début de la publicité."
http://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Annonce-de-reduction-de-prix